Le Radeau de la Méduse en Octobre
Bonjour,
Depuis 15 ans que je tiens une rubrique économique critique à l’égard de nos dirigeants, sous l’intitulé du Radeau de la Méduse, j’avoue ne pas toujours être bien compris.
Comme le radeau de la Méduse représente une histoire véritable mais, figure aussi une allégorie représentative des dangers de la mer, j’ai voyagé cet été et je me suis rendu en certains lieux.
Ainsi, je suis allé au cimetière du Père Lachaise, me recueillir sur le tombeau de Gérôme Géricault, puis je suis allé voir l’exposition Mayas, avant de visiter deux musées dont les toiles s’inspirent de drames maritimes.
La situation critique de l’euro et de nos économies m’a semblé trouver des issues dans notre passé. Lorsque le navire sombre, le capitaine figure au nombre des victimes. Lorsque le capitaine fait fausse route à la tête d’une banque, il en change ou devient ministre. Lorsque le capitaine est chef d’Etat, le pays disparait ou, ce qui revient au même, la délimitation de son territoire en est modifiée. Un système peut disparaitre entièrement d’un seul coup. Le conte suivant est issu d’un rêve.
La crise comme on ne vous l'a jamais expliquée
La crise des ânes
Acte 1. Au foirail.
Un homme portant cravate se présenta un jour dans un village. Monté sur une caisse, il cria à qui voulait l’entendre qu’il achèterait cash 100 euros l’unité tous les ânes qu’on lui proposerait. Les paysans le trouvaient bien un peu étrange mais son prix était très intéressant et ceux qui topaient avec lui repartaient le portefeuille rebondi, la mine réjouie. Il revint le lendemain et offrit cette fois 150 € par tête, et là encore une grande partie des habitants lui vendirent leurs bêtes. Les jours suivants, il offrit 300 € et ceux qui ne l’avaient pas encore fait vendirent les derniers ânes existants.
Constatant qu’il n’en restait plus un seul, il fit savoir qu’il reviendrait les acheter 500 € dans huit jours et il quitta le village. Le lendemain, il confia à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter et l’envoya dans ce même village avec ordre de revendre les bêtes 400 € l’unité. Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100 € dès la semaine suivante, tous les villageois rachetèrent leur âne quatre fois le prix qu’ils l’avaient vendu et pour ce faire, tous empruntèrent. Comme il fallait s’y attendre, les deux hommes d’affaire s’en allèrent prendre des vacances méritées dans un paradis fiscal et tous les villageois se retrouvèrent avec des ânes sans valeur, endettés jusqu’au licol.
Acte 2. Le Crédit local-Dexia
Les malheureux tentèrent vainement de les revendre pour rembourser leur emprunt. Le cours de l’âne s’effondra. Les animaux furent saisis puis loués à leurs précédents propriétaires par le banquier. Celui-ci pourtant s’en alla pleurer auprès du maire en expliquant que s’il ne rentrait pas dans ses fonds, il serait ruiné lui aussi et devrait exiger le remboursement immédiat de tous les prêts accordés à la commune. Pour éviter ce désastre, le Maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, le donna au banquier, ami intime et premier adjoint, soit dit en passant.
Or celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fit pas pour autant un trait sur les dettes des villageois ni sur celles de la commune et tous se trouvèrent proches du surendettement.
Acte 3. Les économistes préconisent un remède de cheval
Voyant sa note en passe d’être dégradée et pris à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines, mais ces dernières lui répondirent qu’elles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles avaient connu les mêmes infortunes. Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décidèrent de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les programmes sociaux, la voirie, la police municipale... On repoussa l’âge de départ à la retraite, on supprima des postes d’employés communaux, on baissa les salaires et parallèlement on augmenta les impôts. C’était, disait-on, inévitable mais on promit de moraliser ce scandaleux commerce des ânes. Cette bien triste histoire prend tout son sel, quand on sait que le banquier et les deux escrocs sont frères et vivent ensemble sur une île des Bermudes, achetée à la sueur de leur front. On les appelle les frères Marchés.
Très généreusement, ils ont promis de subventionner la campagne électorale des maires sortants. Cette histoire n’est toutefois pas finie car on ignore ce que firent les villageois.
Et vous, qu’auriez-vous fait à leur place ?